10/02/2016

Ingénieurs de maintenance : préférez les contrats de résultats...


      Pour améliorer la maintenance des équipements et réduire leurs coûts d'exploitation, les industriels négocient de plus en plus avec leurs prestataires des contrats de résultats plutôt que de simples contrats de moyens.
      "Avant, nous achetions des heures de mécaniciens à nos prestataires. Aujourd'hui, nous leur achetons la fiabilité et l'allongement de la disponibilité de nos machines. Depuis quelques années - réduction des coûts et recentrage sur le métier de base obligent -, les pratiques contractuelles entre les industriels et leurs prestataires de maintenance sont en pleine évolution : aux classiques " contrats de moyens " se substituent progressivement des contrats dits de " résultats " ou d'objectifs ". Cette " tendance de fond " n'est pas seulement juridique. Là où, hier, les sous-traitants se " contentaient " de mettre à la disposition de leurs clients les techniciens qualifiés et les matériels nécessaires à la maintenance - améliorant leurs prestations au " fil de l'eau " et facturant les travaux au coup par coup -, ils sont aujourd'hui de plus en plus directement intéressés aux performances des équipements de leurs propres clients. Moyennant une rémunération forfaitaire définie pour l'année, le prestataire s'engage ainsi à atteindre les objectifs déterminés par le donneur d'ordres, tels que la disponibilité des machines ou le nombre d'interventions en urgence pour cause de panne. En cas de non-respect ou de dépassement des objectifs, le prestataire est généralement sanctionné ou encouragé par un système de bonus-malus.
 
      Très répandus dans le tertiaire pour les matériels informatiques et bureautiques, ces contrats de résultats n'en sont pas moins difficiles à transposer dans les usines. Les échecs sont nombreux, notamment dans les PMI. " Jusqu'ici, nous ne sommes pas parvenus à transformer l'essai. Aujourd'hui, les seuls contrats existants sont ceux passés avec les constructeurs de nos machines ", reconnaît Thierry Glasson, le responsable de la maintenance de Somfy, à Cluses (Haute-Savoie). Et ce n'est pourtant pas faute, pour le leader mondial de la motorisation des volets roulants et des stores, de multiplier les actions d'amélioration de la maintenance de l'usine depuis de nombreuses années ! Car, pour réussir, ces contrats doivent satisfaire les deux parties. Ils nécessitent aussi une excellente connaissance des activités susceptibles de faire l'objet d'un contrat de résultats. Une condition indispensable pour mettre en place des indicateurs de mesure des performances incontestables et pour redéfinir les rôles entre le service de maintenance de l'usine et les interventions du prestataire.

Partager les gains


     " Nous avons fixé un taux de disponibilité de nos machines stratégiques de l'ordre de 90 %. Si cet objectif est atteint, le prestataire perçoit une bonification de 5 % sur la base d'une assiette préalablement définie par les deux parties. S'il n'est pas tenu, il se voit infliger une pénalité de 5 % ", témoigne Michel Labarthe, responsable de la maintenance des infrastructures décentralisées et des travaux neufs chez
Eurocopter France (groupe Aérospatiale), à Marignane (Bouches-du-Rhône). Aujourd'hui, 50 % de la maintenance du fabricant d'hélicoptères est régie par des contrats d'objectifs. Y compris celle de la centrale de production d'électricité destinée à fonctionner les vingt-deux jours EJP (effacement jours de pointe). Si la centrale ne démarre pas les jours où EdF demande à l'industriel de se débrancher du réseau, le surcoût facturé par EdF est partagé en deux entre Eurocopter et son prestataire. Pour les industriels, les avantages sont certains : externalisation des tâches de maintenance, possibilité de recourir aux services de spécialistes utilisant les dernières technologies de pointe, transfert des responsabilités sur le prestataire, meilleure visibilité des dépenses. Ce qui explique l'extension de ce type de contrats.
 
      A l'usine Valeo de Saint-Quentin- Fallavier (Isère), spécialisée dans la production de démarreurs pour l'automobile, la cession de la centrale d'air comprimé à la Slec (Société lyonnaise d'exploitation de chauffage, filiale de la Compagnie générale de chauffe), a ainsi permis de ramener le nombre de kilowattheures nécessaires à la production de 1 mètre cube d'air de 136 à 117 en deux ans. Soit une économie annuelle d'environ 300 000 francs, rapportée aux 35 millions de mètres cubes produits par an. " Aujourd'hui, nous n'avons plus aucune panne d'alimentation en air, et nous disposons d'une qualité d'air constante pour le fonctionnement de nos machines pneumatiques. Cela nous a permis de dégager des heures de mécaniciens pour faire de la maintenance sur d'autres installations ", se félicite Jean-Pierre Thimonier, responsable des bâtiments et travaux neufs de l'usine. Mais les prestataires, eux aussi, doivent y trouver leur intérêt. Si cette forme de prestation les oblige souvent à de lourds investissements, elle leur permet en retour de bénéficier de contrats plus substantiels et durables : de trois à cinq ans en moyenne, renouvelables. De plus, ces sociétés de services s'y retrouvent en vendant des services à plus forte valeur ajoutée.

Bien identifier les domaines

     Si les donneurs d'ordres n'hésitent plus à externaliser la gestion de leur système de chauffage ou l'entretien d'une partie de leurs machines, les contrats d'objectifs ne sont pas pour autant applicables à l'ensemble des activités d'entretien et de maintenance des ateliers. Pour des problèmes de mesure technique des résultats ou, plus simplement, pour des raisons de rentabilité. Comment, par exemple, dans le cas de l'éclairage d'un atelier, vérifier que toutes les ampoules ont bien été changées ? " Dans ce domaine, nous avons préféré définir un certain nombre de points lumineux à contrôler dans l'usine. Le prestataire fait ensuite de la maintenance curative ", explique Michel Labarthe, chez Eurocopter. Les contrats de moyens restent également la règle pour le contrôle des matériels de levage ou pour des tâches d'entretien courant, comme le remplacement de carreaux cassés. Mais, dès lors que la performance de la maintenance a un impact direct sur la production, le contrat de résultats s'impose. A une condition, c'est que, avant même de songer à externaliser une partie de ses activités de maintenance, l'entreprise ait déjà acquis une bonne maîtrise de sa maintenance en interne et dispose d'instruments de mesure fiables : système de GMAO, historique des pannes, maîtrise des coûts de maintenance et de non-maintenance, analyse des causes de pannes. " Pour une nouvelle unité, nous nous fixons une période probatoire de six mois à un an avant de passer un contrat, le temps de constituer un historique ", souligne Roger Gouchon, le directeur technique du complexe chimique Shell-Montedison de Berre-l'Etang (Bouches-du-Rhône). Dans les quatre unités de production du site, une grande partie des travaux de maintenance est désormais sous contrat de résultats, à l'exception, toutefois, des équipements clés, comme les machines uniques (turbines, compresseurs), toujours réparées en interne.

Mettre en place des indicateurs indiscutables

     Pour mesurer la performance de la prestation réalisée par le prestataire en toute objectivité, il faut des " compteurs ". Quels indicateurs choisir ? Tout dépend des objectifs poursuivis : MTBF (mean time between failures) pour la disponibilité des équipements, MTTR (mean time to repair) pour la maintenabilité des machines, nombre de contrôle à refaire pour la qualité, etc. Certaines entreprises n'hésitent pas à coupler des objectifs quantitatifs et qualitatifs (hygiène et sécurité, qualité), notamment lorsqu'il s'agit de sites classés. C'est le cas chez EdF, qui a placé le contrôle non destructif des générateurs de vapeur de ses centrales nucléaires sous contrats de résultats depuis 1991. Ses critères de mesure sont triples : un indice de qualité de la sûreté nucléaire (c'est-à-dire le nombre de tubes à inspecter nécessitant un second contrôle par le service interne), la vitesse de contrôle et le prix global. Mais la nouvelle génération des contrats passés pour 1997-2000 comprendra une quatrième clause : le temps global d'intervention. " Aujourd'hui, nous répartissons les travaux de maintenance de nos générateurs entre plusieurs sous-traitants locaux ; nous voulons évoluer vers des prestations intégrées et confier la maintenance des générateurs à une entreprise leader qui répartira ensuite le travail entre plusieurs intervenants ", confie Bernard Dupraz, directeur du parc nucléaire.

Redéfinir les rôles entre l'interne et l'externe

     Frustration des techniciens dépossédés de certaines interventions et compétences techniques, perte de pouvoir de responsables, crainte de réduction de postes en interne. Les services de maintenance des entreprises considèrent encore souvent les contrats de résultats d'un mauvais œil. De leur côté, les techniciens des sous-traitants sont, eux, souvent plus habitués à " prendre leurs ordres " auprès du donneur d'ordres qu'auprès de leur propre employeur.

Elaborer des outils d'analyse, de suivi et de contrôle

     Conséquence : au-delà de la complexité technique, la réussite des contrats de résultats nécessite une redéfinition des rôles de chacun. " Le client doit perdre l'habitude d'intervenir dans le travail quotidien du prestataire, et le sous-traitant doit apprendre à "manager" ses équipes ", témoigne Olivier Plotton, directeur de la stratégie et du développement de la société d'ingénierie Game, dont 35 % de l'activité est désormais sous contrats de résultats. Dépossédé d'une partie de ses tâches internes, le service de maintenance doit évoluer d'une compétence de " savoir-faire " vers un rôle de " savoir faire- faire ". " Notre mission est de nous assurer du bon déroulement du contrat ", précise Roger Gouchon, du complexe de Berre-l'Etang. D'où la nécessité de mettre en place des outils d'analyse, de suivi et de contrôle. Tels des tableaux de bord qui recensent les principales données chiffrées et qui sont régulièrement remis par le prestataire à son client ; l'organisation de comités de coordination destinés à faire le point de l'avancement des travaux, ou encore des réunions de retour d'expérience indispensables à l'élaboration de " plans de progrès ".


(Article de l'Usine Nouvelle)

1 commentaire:

  1. Intéressant cet article. Les contrats d'objectifs en matière de disponibilité, pourquoi pas?

    Ceci me rappelle une visite faite en Angleterre auprès d'une société d'ingénérie, WBR, qui construisait des plateformes pétrolières en mer du nord. Elle pratiquait des contrats d'objectifs de coût avec ses fournisseurs, avec partage des bénéfices. En partant des données de prix de revient des plateformes précédentes elle définissait des objectifs ambitieux pour celle en projet. Les objectifs retenus avaient une probabilté de 80% de succès. Un système de bonus/malus complétait le dispositif.

    Et ceci se passait en des temps très anciens....(1997).

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