20/05/2016

Mesdames ...lancez-vous...créez une start-up...





     Les femmes peinent à percer dans l’écosystème des start-up : moins de 1 startupper sur 5 est une femme. Le Forum Jeunes Femmes et Numérique veut « accélérer » la carrière des futures startuppeuses.

     La liste des participants au troisième édition du Forum Jeunes Femmes et Numérique, qui se tient à Paris ce jour, souligne l’ampleur de l’enjeu. Malgré de nombreux événements de ce type, les femmes restent sous-représentées dans l’écosystème des start-up. Pourtant, les structures d’accompagnement qui leur sont dédiées sont nombreuses : le réseau Girls in Tech, l’incubateur Paris Pionnières, la commission Femmes du numérique du Syntec, ou encore la Journée de la femme digitale.
     Malgré cela, les femmes ne représentent toujours que 15 à 20% des créateurs ou cofondateurs de start-up en France, d’après le baromètre Girls in Tech.  Selon Syntec Numérique, seules 10% des jeunes pousses sont dirigées par des femmes, et elles ne représentent que 27% des salariés du secteur numérique, contre 48% pour le reste de l’économie. Une présence bien trop discrète, que constate Marie-Hortense Varin, associée chez Partech Ventures : « Très peu de femmes nous contactent, et elles sont très peu à être CEO et à occuper d’autres postes dans de grands exécutifs. »

Prédilection pour l’e-commerce

     Emmanuelle Larroque, organisatrice du Forum, a fondé  Social Builder, une start-up qui travaille sur la mixité dans le numérique. Elle note une différence de dimensionnement dans les projets. En 2015, la levée de fonds moyenne a atteint 2,3 millions d’euros pour les femmes, contre 3,6 millions pour les hommes. L’une des explications tient à l’orientation, qui induit des choix d’études et de vie professionnelle moins tournés vers l’innovation que vers le B to B, qui n’a pas toujours les faveurs des investisseurs. « Les secteurs dans lesquels les startuppeuses se lancent sont moins connus des investisseurs, qui évaluent plus difficilement leur potentiel. Beaucoup de projets portés par des femmes le sont dans l’e-commerce, la santé, le bien-être…car elles créent quelque chose qui leur parle. »
     63 % des start-up créées par des femmes en 2015 ayant levé des fonds l’ont d’ailleurs été dans le secteur du e-commerce. Marie-Hortense Varin confirme cette tendance à se diriger vers des secteurs « genrés », mais souligne : « On manque de femmes encore plus cruellement dans les domaines techno. » Autre frein, l’absence de culture de l’entrepreneuriat, et la méconnaissance des règles du jeu, préalable indispensable pour développer une entreprise numérique. Un dernier handicap pointé par Emmanuelle Larroque : « Les femmes ne se projettent pas assez rapidement dans la dimension internationale, du coup, elles ne sont pas prises au sérieux. »

Le salut par le mentorat ?

     Le dialogue entre entrepreneuses expérimentées et débutantes est un élément clef, Sarah Azan, cofondatrice de Babbler, en a la certitude : «A nos débuts, ça nous a beaucoup aidés d’être soutenues par d’autres femmes. On a constaté une vraie solidarité féminine dans l’écosystème. Aujourd’hui, on a envie de partager notre expérience. » Des témoignages, du concret, c’est ce que Rebecca Cathline, CEO de Macoiffeuseafro, a retenu de sa participation au Forum Jeunes Femmes et Numérique en 2015, alors qu’elle n’en était qu’au début de la création de sa plate-forme de réservation de coiffure afro : «Entendre les intervenants évoquer les hauts et les bas de leur vie d’entrepreneur, se dire “lui aussi est passé par là”, ça m’a rassurée, je suis repartie plus déterminée. » Depuis, elle Bénéficie des conseils de Meryl Job, la fondatrice de Videdressing, qui est devenue son mentor. Cet accompagnement, précieux, est aussi un atout dans un milieu le réseau compte pour beaucoup. D’après Girls in Tech, les fondatrices de start-up ont levé 90 millions d’euros en 2015, soit trois fois plus qu’en 2014. Emmanuelle Larroque rencontre de plus en plus de femmes qui veulent créer leur entreprise Elles arrivent massivement».  Et ces futures entrantes sauront probablement tirer parti de ce qui reste une rareté. Car passées les premières difficultés, Sarah Azan confie qu’être une femme a également été un avantage : « Ça nous a mises en lumière, ça nous a permis de faire parler de nous. »

Impliquer les hommes

     Les entrepreneuses attisent la curiosité : « En tant qu’investisseur, je ne pratique pas la discrimination positive, mais j’aurais envie de pousser la discussion avec les rares femmes entrepreneurs. J’ai de l’admiration pour celles qui sont arrivées jusque-là, pour leur détermination », explique Marie-Hortense Varin. Et pour réussir, il faut aussi gagner en confiance. C’est d’ailleurs le message que Sarah Azan souhaite adresser aux femmes qui veulent se lancer. « Oui c’est difficile d’entreprendre, mais il y a autant de place pour les femmes que pour les hommes. Il faut se lancer, qu’elles se rassurent, qu’elles aient confiance en elles, qu’elles y aillent plus “franco” ! » Les encouragements des actrices du secteur, très concernées par cette question, ne suffiront pourtant pas à susciter des vocations et à atteindre l’égalité, alerte Emmanuelle Larroque :« Il ne faut pas que ce soit un sujet de femmes, les hommes doivent être impliqués dans cette démarche pour avoir envie d’investir dans les projets. » Car au-delà de l’identité du porteur de projet, c’est toujours sa qualité et son potentiel qui feront la différence.

Marion Clément (Les Echos)