C’est à 35
kilomètres de Reno, dans le Nevada, que bat le coeur du dispositif industriel
de Tesla. Un bâtiment paré de légendes et de mystères. Bienvenue à la
Gigafactory du constructeur de voitures électriques, la première du nom, qui se
targue de produire aujourd’hui plus de batteries que tous les autres
constructeurs automobiles réunis dans le monde. C’est la première fois depuis
que sa production a démarré, il y a à peine deux ans, que Tesla ouvre ses
portes à des médias européens.
Ce qui frappe dès
l’arrivée, c’est l’immensité. En forme de L géant, l’usine occupe déjà près de 180.000 mètres carrés au
sol − l’équivalent de 33 terrains de football. Et encore, elle n’atteint que 30
% de sa taille projetée : la maquette du hall d’accueil présente un gigantesque
hexagone. « Comme les lignes s’étendent sur trois étages, elle occupera, à
terme, 1,2 million de mètres carrés de surface utile de production et deviendra
le plus grand bâtiment au monde », explique Chris Lister, directeur des
opérations de l’usine. C’est ici que sont produits les batteries et les moteurs
de la Model 3, le premier véhicule de série de la firme d’Elon Musk. Et c’est
ici qu’une bonne partie des goulets d’étranglement survenus dès l’automne 2017
ont ralenti la montée en puissance de la production du véhicule. Au point que
Tesla a raté ses objectifs à plusieurs reprises et frôlé la faillite au
printemps. « Nous n’avons pas beaucoup dormi ces derniers mois », avoue en
souriant le dirigeant.
Aujourd’hui, les lignes tournent à plein
régime, 24 heures sur 24. « Nous avons atteint le rythme de 10.000 packs
batteries par semaine. Ça a été un immense challenge, assure- t-il. Et nous
continuons à monter les cadences. » Objectif, assurer les livraisons de la
Model 3 en Europe, qui doivent démarrer le mois prochain. En incluant les
batteries stationnaires également produites ici (les fameuses Powerwall pour un
usage résidentiel et Powerpack pour l’industrie), la production a atteint en
juin dernier un rythme annualisé de 20 GWh – et les analystes estiment que l’objectif,
à terme, d’un rythme de 35 GWh par an a déjà été atteint fin 2018. Pour y
parvenir, il a fallu revoir l’organisation à certains endroits et revenir sur
l’automatisation à outrance − alors que la Gigafactory devait être, selon la
vision d’Elon Musk, « la machine qui fabrique la machine ». Le contraste est
frappant. Sur certaines lignes, comme la fabrication des moteurs ou
l’assemblage des bas de caisse (où sont intégrées les batteries), c’est un
ballet de robots, immenses bras articulés pivotant et basculant en rythme, qui
accueille le visiteur. Sans un humain, ou presque, en vue. Mais sur d’autres,
les opérateurs sont omniprésents.
L’assemblage des
batteries en module, notamment, a été réorganisé. « Il y avait trop d’allers-retours entre différents postes, trop de
passages par les élévateurs. Et certaines tâches, comme l’assemblage de câbles,
sont plus adaptées à une manipulation humaine. Nous avons dû simplifier les
process », explique Chris Listesine.
Même si des
lignes pointillées jaunes barrées d’un signe « AGV route » pullulent sur les
sols des immenses couloirs, les AGV (pour « automated guided vehicles » , ces
chariots automatisés qui prolifèrent dans les usines automobiles les plus
modernes) semblent encore rares.
Supply chain intégrée .
Pour plus d’efficacité, Tesla a choisi
d’accueillir sous son toit ses fournisseurs, au premier rang desquels
Panasonic, qui produit les cellules des batteries lithium-ion − des petits
tubes de 6,5 cm de long et de 1,8 cm de diamètre. « Mais il n’est pas le seul : il y a aussi d’autres partenaires, comme
le français Valeo, qui fabrique des tubes de refroidissement pour les modules
», indique Chris Lister. C’est un scoop, car Tesla interdit généralement à ses
fournisseurs d’évoquer tout lien. « Cette
intégration de la supply chain permet non seulement de réduire les coûts
logistiques, mais aussi de résoudre les problèmes plus facilement »,
poursuit-il. Pour favoriser la communication, les bureaux fermés sont
proscrits. Les personnes dédiées à l’administratif, à l’ingénierie ou au
planning travaillent derrière des bureaux surélevés, au sein d’open spaces
lumineux, cernés de baies vitrées. Mais ici, pas de salles de sport ou de
détente comme sur les campus des « tech companies ». Orientée vers le nord pour
favoriser les signaux GPS, l’usine est aussi censée fonctionner entièrement
avec des énergies renouvelables – à l’aide de panneaux solaires sur le toit ou
d’éoliennes. Pour le moment, seule une petite partie du toit est toutefois
recouverte de panneaux, et Tesla reste connecté au réseau. Difficile de se
battre sur tous les fronts.
La Gigafactory vise à réduire le coût des batteries et à
démocratiser la voiture électrique. Tesla prévoit d’en construire une douzaine
sur la planète.
« MISSION Accelerating the world’s transition to sustainable
energy » (MISSION Accélérer la transition vers une énergie durable dans le
monde). Aucune ambiguïté dans le slogan, affiché en lettres capitales dans le
lobby de la Gigafactory 1 de Tesla, dans le Nevada : l’objectif du constructeur
de voitures électriques est de changer le monde. Une vision portée par son
fantasque patron, Elon Musk, qui justifie à elle seule l’investissement de
quelque 6 milliards de dollars consenti dans cette usine géante (dont 1,6
milliard apporté par Panasonic). Alors que la batterie représente une part
importante de la valeur d’un véhicule électrique, il s’agit d’en réduire les
coûts grâce à des volumes gigantesques, afin de rendre la voiture électrique
abordable pour le plus grand nombre.
La Gigafactory est l’arme de Tesla pour y parvenir. Ayant
atteint fin 2018 un rythme annualisé de 250.000 packs de batteries par an pour
la Model 3 (elle-même assemblée dans l’usine de Fremont, près de San José en
Californie), elle revendique déjà une production supérieure à celle de tous les
autres constructeurs de voitures électriques dans le monde.
Le coût de
production des cellules de batteries de Tesla s’établit à 116 dollars par
kilowattheure, « bien inférieur à celui de l’industrie », estimé à 146 dollars
en moyenne.
Les batteries de Tesla ont également
un pouvoir énergétique supérieur à celles de la concurrence. Les analystes
d’UBS, qui ont entièrement désossé l’été dernier une Model 3, ont conclu que
son « pack batterie » était en avance sur tous les concurrents. Un rendement
qui s’explique, lui, par l’équation chimique mise au point par Panasonic. «
C’est notre potion magique secrète », avoue, dans les couloirs de la
Gigafactory, Allan Swan, le patron de Panasonic Energy en Amérique du Nord.
Tesla entend accroître les capacités de l’usine de Reno, pour absorber la
croissance des ventes attendues de la Model 3 (les batteries des Model S et X
sont importées du Japon), mais aussi y produire éventuellement ses futurs
modèles. Elle n’atteint aujourd’hui que 30 % de sa taille ultime. Les experts
spéculent déjà sur le choix de la Gigafactory 1 pour la Model Y, non seulement
pour les batteries mais aussi pour l’assemblage. « C’est une option »,
reconnaît le patron de l’usine, Chris Lister.
Douze Gigafactory à venir :
Mais la firme
californienne compte aussi reproduire l’expérience, prévoyant de construire au
total une douzaine de ces Gigafactory dans le monde. Il y a déjà une Gigafactory
2 aux Etats-Unis, à Buffalo dans l’état de New York, qui produit des panneaux
et des tuiles solaires. Elon Musk vient tout juste de lancer la construction de
la Gigafactory 3, près de Shanghai, en Chine, en prévision du lancement de la
Model 3 dans le pays. Le démarrage de la production est prévu pour fin 2019.
Enfin, le constructeur compte en construire une en Europe. La France est sur
les rangs, mais la concurrence est rude, et il n’est pas sûr que la crise des « gilets jaunes », vue
de Californie, joue en faveur de l’Hexagone. Selon Elon Musk, il faudrait une
centaine de Gigafactory pour que le monde puisse passer aux énergies
renouvelables. —
Grâce à la Gigafactory de Tesla, l’économie locale a
retrouvé des couleurs. D’autres firmes technologiques comme Apple et Google
sont venues s’installer dans la région de Reno.
Depuis que le constructeur de voitures électriques a décidé
d’y installer sa première Gigafactory, les emplois fleurissent et les logements
manquent dans le Nevada du Nord : plus de 34.500 postes ont été créés entre
2014 et 2017, dont 44 % directement liés à l’usine géante de Tesla. En 2018,
l’impact de Tesla sur l’économie locale est estimé à près de 3,6 milliards de
dollars, selon le même rapport.
Selon la presse
locale, faute de logements, certains nouveaux venus sont contraints de dormir
dans leur voiture, sur des parkings. Tesla, qui fournit le transport à ses
salariés depuis les différentes villes de l’Etat, réfléchit à leur proposer des
logements abordables. La rançon du succès.
(Article tiré des
Echos du 17/01/19)
Videos :
https://www.youtube.com/watch?v=G-7UpxXA-E0
https://youtu.be/TdUqQZC2dcE
Videos :
https://www.youtube.com/watch?v=G-7UpxXA-E0
https://youtu.be/TdUqQZC2dcE
Bonne maintenance
Olivier